Lexique roman, AE - AF - Aer - Africh

Aer, s. m., lat. aer, air.

Creet Dieus, quan li plac, los quatres elemens:

Lo cel, l' aer, la terra e l' aiga eissamens.

Pierre de Corbiac: El nom de.

Dieu créa, quand il lui plut, les quatre éléments:

le ciel, l' air, la terre et l' eau aussi.

ANC. FR. Parquoi en l' aer ses aesles esbranla.

J. Marot, t. III, p. 60.

Prendre vol en l' aer. Rabelais, liv. V, c. I.

ANC. ESP. Cecilia sobre totas avie aer caliente.

Poema de Alexandro, cop. 836.

ANC. CAT. Aer. IT. Aer, aere.

2. Air, s. m., air.

L' airs clars e 'l chans dels auzelhs.

Pierre d' Auvergne: L' airs clars.

L' air clair et le chant des oiseaux.

3. Aire, s. m., air.

La terra retentis e l' ayres de cridor. V. de S. Honorat.

La terre et l' air retentissent de clameur.

Ab l' alen, tir vas me l' aire

Qu' ieu sen venir de Proensa.

P. Vidal: Ab l' alen.

Avec l' haleine, je tire vers moi l' air que je sens venir de Provence.

- Demeure, pays, famille.

L' amors, don ieu sui mostraire,

Nasquet en un gentil aire.

Marcabrus: Al son desviat.

L' Amour, dont je suis indicateur, naquit en une gentille demeure.

Tot mon linh e mon aire

Vei revenir e retraire

Al vesoig et a l' araire.

Marcabrus: L'autr'ier.

Je vois toute ma lignée et ma famille revenir et retourner à la bêche et à la charrue.

Qu'el mon non es crestias de nul aire

Que sieus liges o dels parens no fos.

Giraud de Calanson: Belh senher Dieus.

Qu'il n'y a au monde chrétien d' aucune famille qui ne fût son homme-lige ou de ses parents.

- Marche, erre.

A Rossilho torna son aire.

Roman de Gerard de Rossillon, fol. 43.

Tourne son erre à Rossillon.

ANC. FR. Jons e flors espandre par l' aire.

Nouv. rec. de fabl. et cont. anc. t. I, p. 76.

Parmi la forest chemina

Moult bon aire sans arester.

Roman du Renart, t. III, p. 146.

ESP. Aire. PORT. Aria. ANC. IT. Aire. IT. MOD. Aria.

- Air de la personne, manière, qualité, convenance.

Tan es de gentil aire

Qu'en lieys renha beutatz e sens.

Raimond de Castelnau: Aras pus ai.

Elle est de si gentille qualité qu'en elle règne beauté et raison.

Li baron de mal aire

Que tot jorn fan

Lo mal, e 'l be non gaire.

P. Cardinal: Tals cuia.

Les barons de mauvaise manière, qui toujours font le mal, et non beaucoup le bien.

Li sant viron lo luoc,

Que es asaz de bon ayre

A servir Jhesu-Crist.

V. de S. Honorat.

Les saints virent le lieu, qui est assez de bonne convenance pour servir Jésus-Christ.

Et ja nuls hom que sia de bon aire

No sufrira qu' om en digna folhor.

B. Jordan: No puesc mudar.

Et jamais nul homme qui soit de bonne manière ne souffrira qu'on en dise folie.

ANC. FR.

Qui tant son cler ne mi sont de mal aire.

Le châtelain de Coucy: Nouvele amor.

Kar estes fel e de put aire.

Marie de France, t. II, p. 377.

La locution DE BON AIRE devint un adjectif composé.

Qu' ieu am la plus de bon aire

Del mon mais que nulla re.

B. de Ventadour: Amors que.

Que j'aime la plus débonnaire du monde plus qu' aucune chose.

Los benignes et aquells de bon aire heretaran la terra.

V. et Vert., fol. 58.

Les bénignes et ceux débonnaires hériteront de la terre.

ANC. FR. Et cependant ta plume de bonne aire 

Nous veuille escripre ung petit mot ou deux.

Cretin, p. 179.

L' adjectif composé débonnaire est resté dans la langue française.

ANC. IT. Il di bon aire buon signore nostro.

E solo quello è di bon aire e saggio che serve a lui... Cuore di bon aire.

Guittone d' Arezzo, Lett. 13 et 20.

La dona ridendo e di buona aria.

Boccaccio, Decameron, III, 4.

CAT. Ayre. ESP. ANC. IT. Aire.

4. Aere, adj., lat. aerius, aérien.

Per sa aerea levitat.

En natura aerea si transmuda.

Eluc. de las propr., fol. 64 et 20.

Par sa légèreté aérienne.

Se change en nature aérienne.

CAT. (Aeri) ESP. (Aéreo) PORT. IT. Aereo.

5. Aerenc, adj., aérien.

Partidas aygozas et aerencas...

Transmudat en materia aerenca.

Eluc. de las propr., fol. 270 et 263.

Parties aqueuses et aériennes.

Changé en matière aérienne.

ANC. FR. Parmi la région aérine.

Le Maire, Illustr. des Gaules, p. 87.

6. Ayreiar, v., aérer.

Tinea... engendra si, quan la rauba esta trop plegada ses ayreiar.

Eluc. de las propr., fol. 260.

La teigne... s' engendre, quand la robe reste trop pliée sans aérer.

CAT. Ayreiar. ESP. Arear (airear; orear.). PORT. Areiar.

7. Dezaire, s. m., disgrâce, infortune.

Filhs, paires, Dieus, hom, per traire

Nos de perilhos dezaire.

G. Riquier: Sancta verges.

Fils, père, Dieu, homme, pour nous tirer d'une dangereuse infortune.

CAT. Desayre. ESP. PORT. Desaire.

8. Dezairar, v., mépriser, disgracier.

Part. pas. substantiv.

E fasson ben als paupres dezairatz.

P. Cardinal: Lo saber.

Et fassent bien aux pauvres disgraciés.

CAT. Desayrar. ESP. Desairar.


Afan, s. m., travail, peine, chagrin.

Si j' avais à indiquer l' étymologie du mot afan, que la langue des troubadours a employé avant l' an 1000, je croirais pouvoir le dériver de l' arabe ANA, labor, molestia, dont le premier A, fortement aspiré, a pu être reproduit par AF.

Voyez Ferrari, v°. affano; Ménage, v°. ahan; Muratori, Diss. 33; Denina,

t. III, p. 3. ( N. E. onomatopeies - ahan - ahanner )

O es eferms o a afan agut. Poëme sur Boece.

Ou il est infirme ou il a eu chagrin.

Loc. Que son afan i perdria,

Si m' entendia cobrar.

B. Zorgi: Entre totz mos.

Qu'elle y perdrait sa peine, si elle entendait me recouvrer.

ANC. FR. Le vilain que je port m'a mis

En grant travail, en grant ahan.

Roman du Renart, t. III, p. 328.

ANC. PORT. Por quant affan per vos soffri.

Cancion. do coll. dos nobres, fol. 71.

CAT. Afany. ANC. ESP. Afan. (ESP. afán) PORT. MOD. Affano. IT. Afa, affanno.

2. Afanamen, s. m., fatigue, peine.

D' omes vey c'an a totz jorns mens,

On pus s' efforsan d' afanar,

E vey n' alegratz estar

D' autres, ses totz afanamens.

G. Olivier d' Arles, Coblas triadas.

Je vois des hommes qui ont toujours moins, plus ils s' efforcent de prendre peine, et j' en vois d' autres être satisfaits, sans aucunes fatigues.

3. Affanaire, s. m., basse lat. affanator, ouvrier, manoeuvre.

Que nul masso, peirier ni afanaire non obre mas a la obra.

Tit. du XVe sièc., DOAT, t. CXLVII, fol. 285.

Que nul maçon, tailleur de pierre ni homme de peine ne travaille qu'à l' oeuvre.

Totz aquels del mestier d' affanadors.

Tit. de 1267, Arch. du Roy., J. 303.

Tous ceux du métier d' ouvriers.

ANC. FR. Eust requis Lorens... affanour, que il, pour competent salaire, voulsist mener, etc.

Lett. de rem., 1389, Carpentier, t. 1, col. 100.

4. Afanar, v., fatiguer, chagriner, prendre peine.

Per mi dons, qu' aissi m' afana.

B. de Ventadour: Ges mos.

Par ma dame, qui ainsi me chagrine.

Lo jorn per afanar, la nuegz per pauzamens.

P. de Corbiac: El nom de.

Le jour pour fatiguer, la nuit pour repos.

Qu' astrucs sojorn e jai,

E malastrucs s' afana.

B. de Ventadour: Quan la doss' aura.

Que l' heureux se repose et se couche, et le malheureux se fatigue.

ANC. FR. Ge ne sui fox ne tremelerres,

Ainz me sai molt bien ahaner

Et bien soier et bien vaner.

Fabl. et cont. anc, t. IV, p. 237.

Et s' affanoit de forcer sa forteresse.

Brantôme, Dam. galan., t. II, p. 42.

ANC. CAT. ESP. Afanar (faenar). PORT. Affanar. IT. Affannare.

5. Sobrafan (sobre afan), s. m., grand chagrin.

Sols sui que sai lo sobrafan que m sortz.

Arnaut Daniel: Sols sui que.

Je suis seul qui sais le grand chagrin qui me surgit.


Aferir, v., convenir.

En général, il s' employait impersonnellement.

Mas tant quant al poder s' afier.

B. de Ventadour: En aquest.

Mais autant qu'il convient au pouvoir.

ANC. FR. Car ce n' aferist mie à homme

Que sens et proesce renomme.

Roman de la Rose, v. 6427.

Affectio, s. f., lat. affectio, affection, volonté.

Es purgada de tota amor terrenal e de tota affectio carnal.

V. et Vert., fol. 102.

Est purgée de tout amour terrestre et de toute affection charnelle.

L' affection dels officiers.

Statuts de Provence, Julien, t. II, p. 5.

L' affection des officiers.

Agro bon desirier e gran affectio de trobar.

La Crusca provenzale, p. 95.

Eurent grand désir et grande volonté de trouver.

ANC. CAT. Affecció. ESP. Afección. PORT. Affeçião. IT. Affezione.

2. Affectuos, adj., affectueux.

Ni 'l red affectuos ni volontos ad auzir.

E son... affectuosas.

Leys d'amors, fol. 120 et 26.

Et le rend affectueux et désireux d' ouïr.

Et sont... affectueuses.

CAT. Afectuós. ESP. Afectuoso. PORT. Affectuoso. IT. Affettuoso.

3. Affectuosamens, adv., affectueusement.

Plassa scriure affectuosamens al rey nostre senhor.

Reg. des Etats de Provence de 1401.

Plaise écrire affectueusement au roi notre seigneur.

4. Sobreaffectuos, adj., très affectueux.

Sobreaffectuosa devocio.

V. de S. Flors, DOAT, t. CXXIII, fol. 269.

Très affectueuse dévotion.

5. Afectiu, adj., affectif.

Per sa vertu afectiva.

Eluc. de las propr., fol. 13.

Par sa vertu affective.

ESP. Afectivo. PORT. Affectivo. IT. Affettivo.

Affliction, s. f., lat. afflictionem, affliction, pénitence.

Era apelat jorn d' aflictio.

Eluc. de las propr., fol. 129. 

Était appelé jour d' affliction.

De far afflictions e de marturiar

Sa carn ab abstinencias.

V. de S. Honorat.

De faire des pénitences et de martyriser sa chair avec les abstinences.

CAT. Afflicció. ESP. Aflicción. PORT. Afflicção. IT. Afflizione.

2. Aflechir, v., affliger, mortifier.

Qui aflechis son paire... es malastrux.

Si afflechisem per dejuns e per vigilias nostras carns.

Trad. de Bède, fol. 70 et 54.

Qui afflige son père... est malotru.

Si nous mortifions nos chairs par jeûnes et par veilles.

CAT. ESP. Afligir. PORT. Affligir. IT. Affliggere.


Afites, s. m., afites.

Afites es peyra blanca que ha alguna lutz si movent cum estela. 

Eluc. de las propr., fol. 185.

Afites est une pierre blanche qui a aucune lumière se mouvant comme étoile.


Afolar, v., endommager, altérer, détériorer.

Si vostr' auzel arnas afolon.

Deudes de Prades, Auz. cass.

Si les teignes endommagent votre oiseau.

Belha, fi m' ieu, per trop plorar

Afolha cara e colors.

Marcabrus: A la fontana.

Une belle, dis-je, par trop pleurer altère figure et couleurs.

Li trobador, entre ver e mentir,

Afolhon drutz e molhers et espos.

Cercamons: Pus nostre.

Les troubadours, entre le vrai et le mentir, endommagent amants et femmes et époux.

Car tota res que el mon ve

Pot afolar o melhurar.

Nat de Mons: Al noble rey.

Car toute chose qui vient au monde peut se détériorer ou s' améliorer.

Gran son dan fai qui se meteis afola.

A. Daniel: Ans qu'els.

Qui s' endommage soi-même fait son dommage grand.

Part. pas. Can vic totz soz draps affolatz,

Peritz e delitz e crematz.

Trad. de l' Évang. de l' Enfance.

Quand vit tous ses draps endommagés, péris et détruits et brûlés.

Que la causa no fos afolada.

Trad. du Code de Justinien, fol. 17.

Que la chose ne fût pas détériorée.

Substantiv. Que foras de Castel-Raynart

Fes mayson a l' affolada,

Que non bautugues la maynada.

V. de S. Honorat.

Que dehors de Château-Renart il fit une demeure à l' affolée, afin qu' elle n' infectât pas la famille.

ANC. FR. Pour doute d' estre battuz ou mortz ou affolez.

Monstrelet, t. III, fol. 94.

Et que lors il chéust en quelque lieu, et s' affolast.

Arrests d' amours, p. 622.

Le mot fouler, dans le sens d' endommager, blesser, est resté dans la

langue française.

2. Afoliar, v., blesser, endommager, maltraiter.

L' un maldi, l'autre menassa

E l'autre afolhia.

P. Cardinal: Qui ve.

Il maudit l'un, menace l'autre et blesse l'autre.

Mas qui 'ls autres afolhia

E si meteis non castia,

Non obra ges adreg gazanh.

Gui d' Uisel: Ades en pas.

Mais qui maltraite les autres et ne se châtie lui-même, n' opère point un juste gain.

3. Afolamen, s. m., détérioration, dommage, blessure.

Si l' afolamens aven en la causa, ses engan e ses colpa del vendedor.

Trad. du Code de Justinien, fol. 37.

Si la détérioration advient en la chose, sans tromperie et sans faute du vendeur.

Non a pres en preisso afolamen.

Roman de Gerard de Rossillon, fol. 96.

N'a pris dommage en prison.

Senes afolamen del cors e dels membres.

Tit. du XIIe sièc., DOAT, t. CXXVII, fol. 4.

Sans blessure du corps et des membres.

ANC. FR. Que il le gart d' afolement.

Roman du Renart, t. II, p. 197.

ANC. CAT. Affollament.


Afretar, v., équiper.

Part. pas. L naus ben garnidas et afretadas.

Cat. dels apost. de Roma, fol. 164.

Cinquante navires bien garnis et bien équipés.


ESP. Afretar. IT. Affrettare.


Africh, adj., acharné, obstiné.

Reis que fo princeps nobles e cars,

Contra cui estai africha

Clergia plena d' engans.

Raimond de la Tour: Ar es ben dretz.

Roi qui fut prince noble et cher, contre qui est acharné le clergé plein de fourberies.

Pus tan s'es m' amor africha

Qu' autra non quier ni non deman.

Giraud de Borneil: Er ausiretz.

Puisque mon amour est tellement obstinée que je ne cherche ni ne demande autre.

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