Monuments de la langue romane.
Après avoir présenté ces notions sur
les troubadours et sur les cours d' amour, je terminerai ce discours
préliminaire par l' indication des monuments de la langue romane,
soit en prose, soit en vers, qui ont précédé (1) les ouvrages qui
nous restent de ces poëtes.
(1) Quelque desir que j' aie de
m' autoriser de monuments qui servissent à prouver l' existence
ancienne de la langue romane, je croirais manquer aux devoirs de l'
impartialité et aux règles de la critique, si je ne rejetais les
pièces qui ne me paraissent pas assez authentiques. Ainsi parmi ces
monuments je ne comprendrai pas cette épitaphe du comte
Bernard:
Aissi jai lo comte Bernad
Fisel credeire al sang
sacrat,
Que sempre prud hom es estat:
Preguem la divina
bountat
Qu' aquela fi que lo tuat
Posqua soy arma aber salvat.
(*:
Ici gît le comte Bernard
Fidèle croyant au sang
sacré,
Qui toujours preux homme a été:
Prions la divine
bonté
Que cette fin qui le tua
Puisse son ame avoir
sauvé.)
On faisait remonter la date de cette épitaphe à l'
an 844, époque où le comte Bernard fut tué par l' ordre de
Louis-le-Débonnaire.
Borel (a) l' avait publiée avec le
fragment d' une chronique attribuée à Odon Aribert. L' académie de
Barcelonne (b) avait reproduit ces vers comme un monument de 844, et
dom Rivet (c) les avait cités à son tour. Mais l' antiquité de
cette épitaphe a été justement suspectée par les savants auteurs
de l' histoire générale de Languedoc, par Lafaille dans ses annales
de Toulouse, par Baluze lui-même, qui avait voulu d' abord se servir
du fragment de la chronique, et enfin par l' abbé Andrès (d) et par
l' abbé Simon Assemani (e).
(a) Antiquités de Castres, p. 12,
Dictionnaire des termes du vieux français.
(b) Real Academia de
Barcelona, t. I, 2e partie, p. 575.
(c) Hist. Litt. de la France,
t. 7, avert., p. LXVIII.
(d) Dell' origine, de' progressi e dello
stato d' ogni litteratura, t. I, p. 267.
(e) Se gli Arabi ebbero
alcuna influenza sull' origine della poesia moderna in Europa.
Aux
raisons données par ces divers critiques, j' ajouterai
1° que
ce fragment de chronique n' est connu que par la publication faite
par Borel;
2° que celui-ci n' a pas tenu l' engagement qu' il
avait pris de publier le texte entier du manuscrit;
3° qu' on
ignore aujourd'hui si le manuscrit existe encore;
4° que le
prétendu auteur de la chronique, Odon Aribert, n' a été cité ni
connu par aucun écrivain;
5° enfin que le style même m’ a
paru n' être pas antérieur au douzième siècle.
Serments
de 842.
J' ai parlé précédemment (1: Voyez t. I, p. xxij.)
de ce précieux et antique monument de la langue romane, je me borne
ici à une seule observation: il n' existe qu' un seul
manuscrit de l' ouvrage de Nithard, qui a conservé ces
serments en langue originale. C' est sur ce manuscrit qu' a
été copié le texte que je publie en conservant la place exacte des
lettres et des mots. Comme il a été précédemment gravé deux
fac-simile (1: Par MM. de Roquefort et de Moursin) de ce texte, je n'
ai pas cru nécessaire d' en publier un troisième.
Poëme sur
Boece.
Après le serment de 842, le poëme sur Boece est, sans
contredit, le plus ancien des monuments de la langue romane qui sont
parvenus jusqu' à nous.
Il paraît que ce poëme était d' une
longueur considérable; avant de décrire le manuscrit unique
qui en a conservé un fragment de deux cent cinquante sept
vers, je crois convenable de parler de l' abbaye de Fleury ou
Saint-Benoît-sur-Loire, et de sa fameuse bibliothèque, dans
laquelle ce manuscrit était encore déposé, lors de la suppression
des
monastères.
Il a été fait mention pour la première fois
de ce manuscrit précieux dans l' une des dissertations sur l'
histoire ecclésiastique et civile de Paris, par l' abbé Lebœuf, où
se trouvent deux passages de ce poëme; ils y sont intitulés:
“Fragment de poésie, en langage vulgaire usité, il y a
environ sept cents ans, dans les parties méridionales de la
France, tiré d' un manuscrit de la bibliothèque de
Saint-Benoît-sur-Loire, qui paraît être du XIe siècle.”
Il
dit plus bas: “Ce que j' ai vu en 1727 dans un des volumes de la
fameuse bibliothèque de l' abbaye de Fleury ou
Saint-Benoît-sur-Loire.” (1: Tome II, p. 409.)
Cette abbaye
fondée dans le VIe siècle, sous le règne de Clovis II, devint une
des principales abbayes de la France; elle possédait le corps de
saint Benoît, qui y avait été transféré du mont Cassin (2: Joan.
a Bosco, Floriac. vet. Bibliot., p. 409.) en 660; et il existe des
monuments historiques qui attestent qu' elle jouissait de très
grands revenus.
Dans le Xe siècle, lorsque Odon, abbé de Cluni,
eut réformé les moines de cette abbaye, elle devint célèbre par
son école et par sa bibliothèque.
Léon VII, qui avait appelé
Odon à Rome, établit le monastère de Fleury chef de l' ordre de
Saint-Benoît, l' exempta de la juridiction épiscopale, et déclara
l' abbé chef de tous les abbés de France.
Abbon, né à Orléans,
fit ses études dans l' école de Fleury; il en fut abbé, sous le
règne de Hugues Capet, jusqu' en 1004.
Il contribua beaucoup à
maintenir et à propager les bonnes études.
Gauzlin, fils naturel
de Hugues Capet, fut confié par son père à Abbon: ce jeune prince,
élevé dans le monastère de Fleury, acquit beaucoup d' instruction,
devint abbé en 1005, après la mort d' Abbon, et ensuite archevêque
de Bourges, en 1013.
A cette époque on comptait cinq mille
étudiants, soit religieux, soit externes, dans l' école de
Fleury.
Tous les ans chaque écolier était tenu de donner deux
manuscrits pour honoraires ou rétribution; ce qui rendit bientôt la
bibliothèque de Fleury l' une des plus riches de la France.
Elle
était pourvue non-seulement des livres que l' état religieux
exigeait, mais encore des auteurs classiques; on y trouvait le traité
de la République par Cicéron, traité qui a été ensuite perdu
pour les lettres. (1: Hist Litt. de la France, t. V, p. 36.)
Veran
qui fut abbé de Fleury, depuis 1080 jusqu' en 1095, prit soin d'
entretenir les richesses de la bibliothèque. (2: Hist. Litt. de la
France, t. VII, p. 102.)
Peu de temps après, et sous le règne de
Louis-le-Jeune, Machaire, alors abbé, voyant que les livres
dépérissaient, imposa une taxe dont le produit fut destiné à
acheter du parchemin pour recopier les vieux manuscrits, et à se
procurer des manuscrits nouveaux.
Voici l' ordonnance
capitulaire:
“Moi abbé, voyant que les manuscrits de notre
bibliothèque dépérissent par l' effet de la vétusté, par les
attaques du ciron et de la teigne, voulant y remédier, et acheter
soit de nouveaux manuscrits, soit des parchemins pour recopier les
anciens, j' ai, dans mon chapitre, avec le consentement, et même à
la prière de tout le monastère, établi et ordonné que moi et les
prieurs qui relèvent de ce monastère, payerons une contribution
annuelle, au jour de la Saint-Benoît d' hyver, pour ce projet si
nécessaire, si utile, si louable.” (1: Joan. a Bosco, Flor. vet.
Bibliot., p. 302.)
Que de richesses littéraires et dans tous les
genres étaient conservées dans l' abbaye de Fleury! Malheureusement
Odet de Coligni, cardinal de Châtillon, qui en fut abbé dans le
XVIe siècle, ayant embrassé la réforme, les gens de son parti
enlevèrent en 1561 et 1562 une grande partie des manuscrits.
Un
religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur dit à ce
sujet: (2: Notice des manuscrits de la bibliothèque de l' église de
Rouen, par l' abbé Saas, revue et corrigée par un religieux
bénédictin (*), etc. Rouen, 1747, p. 12. (*) Dom Fr. René Prosper
Tassin.)
“L' abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire fut exposée au
pillage comme les autres. Une moitié de la célèbre bibliothèque
de Fleury tomba entre les mains de M. Petau, et l' autre moitié
entre celles de M. Bongart. Ce dernier s' étant retiré à la cour
de l' électeur Palatin, y laissa ses richesses littéraires, et
donna par-là naissance à la fameuse bibliothèque d' Heidelberg.
Les manuscrits de M. Petau furent achetés par Christine, reine de
Suède. Tous ces livres se trouvent aujourd'hui dans la bibliothèque
du Vatican; et la France est dépouillée de ce précieux trésor,
amassé par les moines de Fleury.”
Instruit que le manuscrit
qui contenait les fragments d' un poëme sur Boece se trouvait encore
dans la bibliothèque de Fleury en 1740, je mis les soins les plus
actifs et les plus constants à en faire la recherche.
J'
espérais peu de réussir, ayant eu souvent occasion de me convaincre
des dilapidations et des destructions qu' avaient occasionnées les
déplacements des grandes bibliothèques, sur-tout de celles des
monastères.
Au mois d' octobre 1813, je découvris que ce
manuscrit avait passé dans la bibliothèque de la ville d' Orléans;
bientôt je pus l' examiner, le copier à loisir. (1: Je saisis avec
empressement l' occasion d' offrir à M. Septier, bibliothécaire d'
Orléans, l' expression publique de ma reconnaissance pour tous les
soins qu' il a bien voulu prendre à ce sujet, et pour la confiance
dont il m' a donné des preuves réitérées.)
Aujourd'hui il m' a
été confié de nouveau, et je l' ai sous les yeux en le
décrivant.
Ce manuscrit, cinquième volume de la collection
intitulée Diversa Opera de l' ancienne abbaye, forme un volume in-4°
en parchemin de 275 pages.
Les premières pièces de ce manuscrit
sont d' une écriture qui appartient au XIIIe siècle, et même à
une époque postérieure; mais comme le volume est formé de
plusieurs pièces différentes, copiées à diverses époques, on
trouve à la page 224 quelques sermons dont l' écriture est
peut-être plus ancienne encore que celle du Poëme sur Boece.
Au
milieu de la page 269, verso de la page 268, commence le fragment du
Poëme sur Boece, qui remplit les pages 269 à 275.
La suite du
poëme manque, et le fragment se termine au commencement d' un vers
par ces mots: DE PEC...
Les connaisseurs jugeront par le
fac-simile d' une ligne de l' écriture des sermons, et de quelques
lignes du poëme sur Boece, que la date ancienne, accordée par l'
abbé Lebœuf et autres au manuscrit, est confirmée par les règles
de la diplomatique.
On peut confronter ce fac-simile avec les
Specimen publiés par le P. Mabillon dans son savant ouvrage De re
diplomatica.
Une circonstance très-remarquable dans le manuscrit
du poëme sur Boece, c' est que plusieurs mots sont marqués d' un
accent; je regarde ce signe comme une preuve d'
antiquité.
Mais l' examen du langage prouve encore mieux
l' époque très ancienne de la composition du poëme. J' ai cru
devoir faire imprimer en entier ce qui en reste.
L' abbé Lebœuf
avait dit: “L' écriture m' a paru être du XIe siècle, mais la
composition du poëme peut être encore de plus ancienne date.”
Les vers imprimés par l' abbé Lebœuf sont au nombre de
vingt-deux, et ils offrent deux fragments: l' un appartient au
commencement du poëme, l' autre appartient au milieu de ce qui reste
du manuscrit.
Court de Gebelin, dans son discours préliminaire du
Dictionnaire étymologique de la langue française, avait parlé du
poëme sur Boece en ces termes: “IXe siècle. On conçoit qu' il
doit rester bien peu de monuments français d' un temps aussi reculé,
et où la langue française était si peu cultivée. Mais moins il en
reste, plus ils doivent être recueillis précieusement. De ce
nombre, outre le serment de Louis-le-Germanique, est une pièce en
vers, qui se trouve à la fin d' un manuscrit de
Saint-Benoît-sur-Loire, p. 269 à 275. Le style raboteux et informe
dans lequel elle est écrite, prouve sa haute antiquité. Elle a pour
objet Boece, et commence ainsi: Nos jove omne, etc.”
Il est
certain que Court de Gebelin avait jugé cet ouvrage autrement que
par les fragments publiés par l' abbé Lebœuf. Plusieurs raisons ne
permettent pas d' en douter.
Les savants bénédictins, auteurs de
l' Histoire littéraire de la France, ont eu plus d' une fois l'
occasion de s' expliquer sur l' ancienneté de ce poëme. Dans l'
avertissement du tome VII, qui traite du XIe siècle, ils disent page
XLVIII: “Entre les autres poésies de même nature qui nous restent
du même siècle, il faut mettre celles que M. L' abbé Lebœuf a
déterrées dans un très ancien manuscrit de Saint-Benoît-sur-Loire,
et dont il a publié des fragments.”
Et ensuite à la page CXII
du même tome VII:
“Celui en vers tiré d' un manuscrit de
Fleury, et publié par M. L' abbé Lebœuf, est entièrement
différent de tous les autres dont nous avons connaissance; il est
vrai qu' il nous paraît plus ancien que le siècle qui nous
occupe... On y découvre un dialecte qui nous montre
visiblement l' origine de la langue matrice, c' est-à-dire du
latin.”
Enfin dans le même avertissement de ce tome
VII, page XXX, on lit:
“M. L' abbé Lebœuf, cet auteur si
judicieux, nous a donné de son côté des lambeaux d' autres
monuments en vers qu' il a tirés d' un manuscrit de
Saint-Benoît-sur-Loire qui a été fait au XIe siècle, mais il
soupçonne avec raison que les pièces en roman qu' il
contient sont plus anciennes.” “Effectivemant leur rudesse et
leur grossièreté montrent qu' elles appartiennent au moins
au Xe siècle.”
Les bénédictins auraient pu ajouter que
ce poëme est seulement en rimes masculines.
Mais pour éviter à
ce sujet une discussion qui ne tournerait pas au profit de la
science, je me borne à le présenter comme de la fin de ce Xe
siècle. (1: L' examen des
vers du poëme sur Boece prouve assez évidemment qu' ils ne
sont pas les premiers qu' on
ait composés en langue romane. Dans une églogue latine que rapporte
Paschase Ratbert, mort en 865, à la suite de la vie de saint
Adhalard, abbé de Corbie, mort en 826, les poëtes
romans sont invités,
ainsi les poëtes latins,
à célébrer les vertus d' Adhalard:
RUSTICA
concelebret ROMANA
latinaque lingua (:
et latina lingua)
Saxo qui, pariter plangens, pro CARMINE
dicat:
Vertite huc cuncti cecinit quam maximus ille,
Et tumulum
facite, et tumulo super addite CARMEN.
Act. SS. Ord. S. Bened.
sæc. IV, pars I, p. 340.)
La captivité de Boece est
évidemment le sujet du poëme; les imitations que l' auteur a faites
quelquefois de l' ouvrage De consolatione philosophiæ, ne sont
tirées que des premières pages de ce traité, circonstance qui
permet de conjecturer que le poëme sur Boece était un ouvrage très
étendu; les avantages que nous offre le fragment qui nous est
parvenu, doivent faire vivement regretter la perte du reste.
L'
extrême soin que je mets non-seulement à communiquer en entier aux
savants ce monument si précieux de la littérature romane,
mais encore à le leur présenter dans ses formes identiques, soit en
donnant un fac-simile de quelques lignes, pour juger de l' époque du
manuscrit qui le contient, soit en faisant imprimer le texte dans le
même ordre qu' il s' y trouve, méritera peut-être et obtiendra
sans doute quelque indulgence pour mon travail. La manière dont les
lettres et les mots sont disposés dans les pages intitulées Texte
du manuscrit, permettra aux personnes versées dans cette partie, de
lire ce texte de la manière qui leur offrira un sens plus propre et
plus clair.
Actes et titres depuis l' an 960 et suivants.
Les
fragments nombreux et importants de la langue romane que j' ai
recueillis dans les actes latins des Xe et XIe siècles, et que j' ai
rapprochés, prouveront que l' idiôme roman était depuis
long-temps la langue populaire de la France méridionale.
Ces fragments sont presque tous des formules romanes insérées
dans les actes de foi et hommage, afin que les parties
connussent et exprimassent dans leur propre idiôme les
obligations qu' elles contractaient.
On ne peut considérer sans
étonnement que la plupart de ces fragments disséminés dans les
actes latins par divers officiers publics, en différents
temps et en différents lieux, sont en général conformes aux règles
de la grammaire romane.
Poésies des Vaudois.
Si
l' on rejetait l' opinion de l' existence d' une langue romane
primitive, c' est-à-dire d' un idiôme intermédiaire
qui, par la décomposition de la langue des Romains, et l'
établissement d' un nouveau système grammatical, a fourni le type
commun d' après lequel se sont successivement modifiés les divers
idiômes de l' Europe latine, il serait difficile d' expliquer
comment, dans les vallées du Piémont, un peuple séparé des
autres par ses opinions religieuses, par ses mœurs, et sur-tout par
sa pauvreté, a parlé la langue romane à une époque très
ancienne et s' en est servi pour conserver et transmettre la
tradition de ses dogmes religieux; circonstance qui atteste la haute
antiquité de cet idiôme dans le pays que ce peuple habitait.
Le
poëme de La nobla leyczon porte la date de l' an 1100.
(1)
La secte religieuse des Vaudois est donc beaucoup plus
ancienne qu' on ne l' a cru généralement.
Bossuet a dit de leur
doctrine: “Lorsqu' ils se sont séparés, ils n' avaient que très
peu de dogmes contraires aux nôtres, ou peut-être point du
tout.”
(1) Ben ha MIL E CENT ancz compli entierament
Que
fo scripta l' ora car sen al derier temps. (a:
Bien a mille et cent ans accomplis entièrement
Que fut écrite l' heure que nous
sommes au dernier temps.)
“Conrad, abbé d' Usperg, qui a vu
de près les Vaudois, a écrit que le pape Lucius (1: Lucius fut pape
de 1181 à 1185.) les mit au nombre des hérétiques, à cause de
quelques dogmes ou observances superstitieuses.” (2: Bossuet,
Histoire des variations, liv. XI.)
Claude de Seyssel, archevêque
de Turin, a déclaré que leur vie et leurs moeurs ont toujours été
irréprochables parmi les hommes, et qu' ils observaient de tout leur
pouvoir les commandements de Dieu.
Et Bossuet, en condamnant la
Doctrine des Vaudois, a parlé de leurs mœurs en ces termes: “On
me demandera peut-être ce que je crois de la vie des Vaudois, que
Renier a tant vantée; j' en croirai tout ce qu' on voudra, et plus,
si l' on veut; car le démon ne se soucie pas par où il tienne les
hommes... Il ne faut donc pas s' étonner de la régularité
apparente de leurs mœurs, puisque c' était une partie de la
séduction contre laquelle nous avons été prémunis par tant d'
avertissements de l' évangile.”
Quant aux livres des Vaudois,
voici ce qu' en dit Bossuet:
“Au surplus, nous pourrions parler
de l' âge de ces livres vaudois et des altérations qu' on y
pourrait avoir faites, si on nous avait indiqué quelque bibliothèque
connue où on les pût voir. Jusqu' à ce qu' on ait donné au public
cette instruction nécessaire, nous ne pouvons que nous étonner de
ce qu' on nous produit comme authentiques des livres qui n' ont été
vus que de Perrin seul, puisque ni Aubertin, ni La Roque ne les
citent que sur sa foi, sans nous dire seulement qu' il les aient
jamais maniés.”
Bossuet s' exprimait ainsi en 1688, année où
il publia son Histoire des variations: cependant deux ouvrages
imprimés avaient indiqué les bibliothèques où se trouvaient les
livres des Vaudois (1) en original.
(1) Dès 1658, Samuel Morland,
dans son History of the evangelical churches of the valleys of
Piemont, London, fol., avait fait imprimer le catalogue des
manuscrits dont il s' était servi pour cet ouvrage, manuscrits qu'
il avait déposés à la bibliothèque de l' université de Cambridge
en août 1658. (a: Morland, introd.)
En 1669, Jean Léger,
transcrivant, dans son Histoire générale des églises évangéliques
des vallées du Piémont, Leyde, 1669 in-fol., des vers du poëme de
La nobla leyczon, dit:
“Extrait d' un traité intitulé La nobla
leyczon, daté de l' an 1100, qui se trouve tout entier dans un livre
de parchemin, écrit à la main, en vieille lettre gothique, dont se
sont trouvés deux exemplaires, l' un desquels se conserve à
Cambridge, et l' autre en la bibliothèque de Genève.” (b: Léger,
Hist. génér., p. 26.)
Outre ce poëme et autres qui y sont
joints, la bibliothèque de Genève avait alors en dépôt divers
manuscrits vaudois, ainsi que le prouve l' attestation suivante de M.
Gérard, alors bibliothécaire de Genève, insérée dans l' histoire
de Léger. (c: Léger, Hist. génér., p. 23.)
“Je soussigné
déclare avoir reçu des mains de M. Léger, ci-devant pasteur ès
vallées, i° un livre de parchemin manuscrit in-8°, contenant
plusieurs traités de la doctrine des anciens Vaudois, en leur propre
langue; 2° une liasse de plusieurs autres manuscrits, etc. que je
conserve en la bibliothèque de cette cité, pour y avoir recours au
besoin; en foi de quoi, etc., à Genève, le 10 novembre 1662, signé
Gérard, pasteur du collége et bibliothécaire.”
La
lecture des poésies religieuses que je publie, donnera une idée
suffisante de leurs dogmes.
Quant à l' idiôme dans lequel elles
sont écrites, on se convaincra que le dialecte vaudois est
identiquement la langue romane; les légères
modifications (1) qu' on y remarque, quand on le compare à la langue
des troubadours, reçoivent des explications qui deviennent de
nouvelles preuves de l' identité.
(1) Je crois convenable d'
offrir le tableau des principales modifications.
Changements de
voyelles.
O pour U.
Vaudois. Roman. Vaudois. Roman.
seo
seu greos greus
vio viu breo breu
caitio caitiu deorian deurian
O
pour A.
volrio volria
Voyelles ajoutées a la fin du mot, A, I
et O.
sencza senz illi ill
aquisti aquist aiuto aiut,
etc.
Suppresion de consonnes
finales.
bonta bontat ma mas
verita veritat ca car,
etc.
(N. E. Como ocurre en la lengua italiana, toscana,
etc.)
Changement ou suppression de consonnes finales,
changement de voyelles finales dans les verbes.
Je place dans
un seul tableau les modifications relatives aux
verbes:
Infinitif. Vaudois. Roman.
Part. Passé. forma,
salva format, salvat
compli complit
offendu,
agu offendut, agut
Indicatif.
Présent.
3.e pers. Sing.
po pot
1re pers. Plur. aman, sen, aven, deven amam, sem,
avem, devem
2.e anna, vene annatz,
venetz
3.e pon podon
Prétérit simple.
3.e pers.
Sing. peche, manje pechet, manjet
Futur.
3.e pers.
Sing. sere, penre, venre sera, penra, venra
1re pers.
Plur. tenren, iren tenrem, irem
2.e sere, aure seretz,
auretz
3.e seren, murren serem, murrem
Conditionnel.
1re
pers. Plur. aurian, segrian auriam,
segriam
Subjonctif.
Présent.
1re pers.
Plur. faczan poisam, faczam, etc.
Il me reste à parler
des manuscrits des ouvrages en dialecte vaudois.
Samuel Morland
(1: Samuel Morland avait été l' envoyé de Cromwel (Cromwell)
auprès du duc de Savoie.) avait déposé en 1658 à la bibliothèque
de l' université de Cambridge plusieurs manuscrits dont le catalogue
est au commencement de son histoire.
Ces manuscrits intéressants
ne s' y trouvent plus depuis plusieurs années.
La bibliothèque
de Genève possède trois manuscrits vaudois. Celui qui est coté n°
207 contient les poésies religieuses et morales; il m' a fourni les
pièces qui sont imprimées de la page 73 à la page 133. (1: J' ai
dû au zèle, à la sagacité et à la bienveillance de M. Favre-
Bertrand de Genève une copie exacte des pièces que je publie, et
quelques renseignements très détaillés et très utiles. Il me
tardait d' offrir à ce littérateur distingué l' hommage public de
ma juste reconnaissance.)
La nobla leyczon.
Ce poëme,
qui est une histoire abrégée de l' ancien et du nouveau Testament,
m' a paru assez important pour être inséré en entier. J' ai
conféré le texte du manuscrit de Genève avec celui du manuscrit de
Cambridge, publié par Samuel Morland. (2: Je suis porté à croire
que le manuscrit de Cambridge avait été fait sur un exemplaire plus
ancien que celui qui a servi pour la copie du manuscrit de Genève;
dans le manuscrit de Cambridge on lit AU, avec, venant d' AB roman,
et dans celui de Genève on lit CUM au lieu d' AU.)
La date de l'
an 1100 qu' on lit dans ce poëme mérite toute confiance. Les
personnes qui l' examineront avec attention jugeront que le manuscrit
n' a pas été interpolé; les successeurs des anciens Vaudois, ni
les dissidents de l' église romaine qui auraient voulu s' autoriser
des opinions contenues dans ce poëme, n' auraient eu aucun intérêt
à faire des changements; et s' ils avaient osé en faire, ces
changements auraient bien moins porté sur la date du poëme que sur
le fond des matières qu' il traite, pour les accommoder à leurs
propres systêmes dogmatiques. Enfin le style même de l' ouvrage, la
forme des vers, la concordance des deux manuscrits, le genre des
variantes qu' ils présentent, tout se réunit en faveur de l'
authenticité de ces poésies; M. Sennebier jugeait que le manuscrit
de Genève est du XIIe siècle.
La barca.
C' est un
poëme sur le Miserere et sur la brièveté de la vie; il contient
trois cent trente-six vers; j' en rapporte quelques-uns.
Lo novel sermon.
Il contient quatre cent huit vers. Ceux que je publie donnent une idée du genre de ce poëme, qui est en grands
vers. J' en cite des fragments considérables.
Lo novel confort.
Ce poëme est en stances de quatre vers qui riment
toujours ensemble.
Lo payre eternal.
Il est en grands
vers et divisé en stances de trois vers qui riment toujours
ensemble.
Lo despreczi del mont.
Le poëme du mépris
du monde ne contient que cent quinze vers.
Il ne se trouvait pas
dans les manuscrits de Cambridge.
L' avangeli de li quatre
semencz.
Cette
pièce est de trois cents vers divisés en stances de quatre vers qui
riment ensemble; elle ne se trouvait pas dans les manuscrits de
Cambridge.
J. Léger aurait pu appliquer à tous ces divers poëmes
ce qu' il dit spécialement de La nobla leyczon dans son Histoire des
églises vaudoises, pag. 30: “Et ces sages Barbes ont voulu mettre
en main de leurs peuples ce divin trésor en cette forme de rime ou
de poésie en leur langue, pour en rendre la lecture plus
agréable, et à ce que la jeunesse le pût plus facilement imprimer
en sa mémoire.”
Je n' ai pas cru nécessaire de rapporter des
fragments en prose des ouvrages dogmatiques des Vaudois (1); le
traité de l' Ante-Christ porte la date de 1126. (1: Perrin, histoire
des Vaudois, dans les ouvrages de Samuel Morland, de Jean Léger,
etc.
La bibliothèque de Grenoble possède un manuscrit de la
traduction du Nouveau-Testament en dialecte vaudois; la
parabole de l' Enfant Prodigue, tirée de ce manuscrit, a été
publiée par M. Champellion Figeac, dans ses Recherches sur les
différents patois de la France.)
Pièces et fragments divers.
L' Oraison, la prière à la Vierge, l' extrait du
mystère des vierges sages et des vierges folles, ont été tirés d'
un manuscrit de la bibliothèque du Roi, coté n° 1139, dans le
catalogue des manuscrits latins. Il avait appartenu jadis à l'
abbaye de Saint-Martial de Limoges.
L' écriture du cahier qui
contient ces pièces a paru à tous les connaisseurs être du XIe
siècle (1), et même de la première moitié de ce siècle.
Il
commence au fol. 32 du manuscrit, et finit au fol. 83.
L' une de
ces pièces mérite une attention particulière; c' est le mystère
des vierges sages et des vierges folles, dans lequel les
interlocuteurs parlent tantôt latin, tantôt roman.
(1)
L' abbé Lebœuf, État des sciences en France depuis le Roi Robert
jusqu' à Philippe-le-Bel, page 68, donne à des vers qu' il cite de
ce manuscrit la date du règne de Henri Ier, qui monta sur le trône
en 1031.
Fragment
de la vie de Sainte Fides d' Agen.
Fauchet l' a inséré dans
son ouvrage De l' origine de la langue et poésie Françaises, 1581,
in-4°, en l' intitulant: “Deux couples tirées d' un livre escrit
à la main, il n' y a guieres moins de cinq cens ans, lequel le dict
sieur Pithou m' a presté, contenant la vie de saincte Fides d'
Agen.” (1:
La perte de ce manuscrit est à regretter; on verra
dans les deux couplets que j' ai arrangés grammaticalement, sans me
permettre de changer une seule lettre, que les règles de la
grammaire ont été connues de l' auteur, sur-tout celle qui
distingue les sujets et les régimes.
La Bibliothèque historique
de la France cite, sous le n° 4412, t. I, p. 286, cette remarque
tirée des recueils de M. Falconet:
“Vie de sainte Fides d'
Agen, en vers rimés en langue
provençale,
semblable
à la
catalane,
écrite en 1080.”
On trouve dans Catel, Histoire des Comtes de
Toulouse, p. 104, un fragment considérable d' un poëme relatif à
sainte Foy de Rouergue.
Je me borne à l' indiquer.)
Planch
de Sant Esteve.
L' ancien rit gallican ordonnait que les vies
des saints seraient récitées à la messe du jour consacré à leur
fête. Quand Pepin et Charlemagne introduisirent la liturgie
romaine,
il fut permis aux églises de France de conserver du rit
gallican
les usages qui ne contredisaient pas le rit
romain.
Ce
rit défendait de faire pendant la messe toute autre lecture que
celle de l' écriture sainte; de sorte que ces vies ne furent plus
lues que pendant l' office de la nuit.
Mais le récit du martyre
de saint Etienne se trouvant dans les actes des apôtres, les églises
de France continuèrent de le chanter à la messe; et pour le mettre
à la portée du peuple, il fallut le traduire en idiôme vulgaire;
on le distribua en couplets, qu' on chantait alternativement avec les
passages latins qu' ils expriment; ce qui fit donner à ce genre le
nom de Farsia, d' Epitre Farcie. (1: Voyez Ducange, au mot
Farsia.)
On retrouve encore aujourd'hui plusieurs Plaints,
Complaintes de saint Etienne en vieux langage. (2: Mémoires de l'
académie des inscriptions et belles-lettres, t. 17, p. 716. -
Lebœuf, Traité historique et pratique
sur le chant ecclésiastique. Almanach de Troyes pour l' année
1767.)
Les Planch de Sant Esteve que je publie, sont un monument
ancien de la langue romane. On en jugera par le style. Des preuves
matérielles confirment cette assertion. (3: Le texte du Planch de sant Esteve a été pris 1° sur un MS. du chapitre d' Aix en
Provence; ce texte était joint à un vieux martyrologe recopié en
1318, et au sujet duquel on lisait dans le MS. même: Anno domini
1318, capitulum ecclesiæ Aquensis et... voluerunt et ordinaverunt
quod martyrologium VETUS scriberetur et renovaretur de novo.”
2°
Sur un des processionnaux manuscrits du chapitre d' Agen.
Les deux
manuscrits presque entièrement conformes n' offraient aucune
différence remarquable.
(N. E. Véase Viaje literario a las
iglesias de España, tomo 6, apéndice 9,
Paraphrasis epistolae,
quae in die S. Stephani Protomartyris vernaculo
sermone
in nonnullis ecclesiis Cataloniae
populo legebatur. (V. pág. 96.) - Ex cod. epist. MS. sec. XIII. in
eccl. Ageren. n. 2563. (Ager),
Aquest es lo plant de Sent Esteve
AQUEST
ES LO PLANT DE SENT ESTEVE.
Lectio actuum apostolorum.
Esta liço que legirem,
dels fayts dels apostols la traurem:
lo dit Sent Luch recomptarem:
de Sent Esteve parlarem.
In diebus illis.
En aycel temps que Deus fo nat,
e fo de mort resucitat,
e pux al cel sen fo puyat,
Sent Esteve fo lapidat.
Stephanus autem plenus gratiâ et fortitudine, faciebat prodigia et signa magna in populo.
Auyats, Seyors, per qual rayso
lo lapidaren li felo,
car viron que Deus en el fo,
e feu miracles per son do.
Surrexerunt autem quidam de synagoga, quae appellatur Libertinorum, et Cyrenensium, et Alexandrinorum, et eorum qui erant a Cicilia (sic) et Asia, disputantes cum Stephano.
En contra el coren e van
li felo libertinian,
e li cruel cecilian,
els altres dalexandria.
Et non poterant resistere sapientiae, et spiritui, qui loquebatur.
Lo sant de Deu e la vertut
los mençonges a coneguts,
los pus savis a renduts muts,
los pochs els grans a tots vençuts.
Audientes autem haec, dissecabuntur cordibus suis, et stridebant dentibus in eum.
Cant an ausida sa rayso,
conegron tots que vencuts son,
dira los inflan los polbon,
les dens cruxen com a leon.
Cum autem esset Stephanus plenus Spiritu Sancto, intendens in coelum vidit gloriam Dei, et Iesum stantem a dextris virtutis Dei, et ait.
Lo Sant conec sa volentat,
no vol son cors dome armat;
mas sus el cel a esgardat.
Auyats, Seyors, com a parlat.
Ecce video coelos apertos, et filium hominis stantem a dextris virtutis Dei.
Escoltatme, nous sia greu:
la sus lo cel ubert vey eu,
e conec be lo fyl de Deu
que crucifigaren li Judeu.
Exclamantes autem voce magna, continuerunt aures suas, et impetum fecerunt unanimiter in eum.
Per co que a dit son tots irats
los fals Jueus, e an cridat:
prengamlo, que prou a parlat,
e gitemlo de la ciutat.
Et eiicientes eum extra civitatem lapidabans.
No si pot mays lerguyl celar:
lo Sant prenen per turmentar,
fors la ciutat lo van gitar,
e pensenlo dapedregar.
Et testes deposuerunt vestimenta sua secus pedes adolescentis, qui vocabatur Saulus.
Depuys als peus dun bacalar
pausan los draps per miyls lancar:
Saul lapelonli primer,
Sent Paul cels qui vingron derer.
Et lapidabant Stephanum invocantem, et dicentem.
Cant lo Sant viu las pedras venir,
dolces li son, no volch fugir:
per son Seyor sofit martir,
e comencet axi a dir:
Domine Ihesu, accipe spiritum meum.
Seyer, ver Deus, qui fist lo mon,
e nos tragist dinfern pregon,
e puys nos dest lo teu sant nom,
rech mon sperit... a mon.
Positis autem genibus clamavit voce magna, dicens.
Apres son dit sadenoylet,
don a nos exemple donet;
car per sos enemichs preget,
e co que volc el acaptet.
Domine, ne statuas illis hoc peccatum.
O ver Deus, payre glorios,
quil fiyl donest a mort per nos,
est mal quem fan perdonal los,
no nayen pena ni dolor.
Et cum hoc dixisset, obdormivit in Domino.
Cant est sermo el ac fenit,
el martiri fo aconplit,
recapta co ques volch ab Deu,
e puyesen al regne seu.
En lo qual nos dey acoylir
Jhus. qui volch per nos morir:
quens acompay ab los seus Sanç
e tots los fidels xpians.
Seyors, e dones, tuyt preguem
Sent Esteve, e reclamem,
quel nos vuyle recaptar
les
animes puyam salvar. Amen. )
Ils étaient chantés dans des
églises du midi de la France entre lesquelles il n' avait existé
des relations d' hiérarchie, soit ecclésiastique, soit civile, que
dans des temps très reculés, ce qui permet de croire que l' usage
de les chanter remontait à cette époque ancienne.
Fragments
de la traduction en vers de la vie de Saint Amant.
Deux ouvrages
de Marc-Antoine Dominicy, jurisconsulte, né à Cahors, ont conservé
divers fragments de cette traduction. (1: “Disquisitio de
prærogativâ allodiorum in provinciis Narbonensi et Aquitanicâ quæ
jure scripto reguntur.” Paris, 1645, in-4°. “Ansberti familia
rediviva, sive superior et inferior Stemmatis beati Arnulfi linea...
vindicata.” Paris, 1748 (1648), in-4°.)
Dans son traité de
Praerogativa allodiorum, publié en 1645, il cite l' ancienne vie de
saint Amant, évêque de Rodez, écrite en langue romane, et en vers,
depuis plus
de cinq cents
ans. (2: “Vetus vita sancti Amantii Ruthenorum episcopi ante
quincentos annos versibus rhythmicis linguâ
romanâ
conscripta.” Page 55.)
Et dans sa dissertation intitulée
Ansberti familia rediviva (3), publiée en 1648, il dit: “Un ancien
auteur qui, depuis six
cents ans,
a traduit d' un vieux auteur latin, en langue romane rustique
et en vers rimés, la vie de saint Amant, évêque de Rodez, atteste,
etc.
(3) “Asserit vetus auctor qui B. Amantii Ruthenensis
episcopi vitam versibus rhythmicis jam a
sexcentis annis
ex veteri latino auctore in rusticam
romanam linguam
transtulisse metrico sermone testatur; sic enim se habet.”
Si
l' on adoptait cette dernière assertion de Dominicy, il faudrait
admettre que la traduction en vers
romans
date de la première moitié du XIe siècle. Et cette assertion n'
est pas contredite par la précédente, puisque, d' une part, la
dissertation Ansberti familia, etc., étant postérieure, et énonçant
non une époque vague de plus
de cinq cents
ans, mais une époque positive et déterminée de six
cents,
il est évident que cette dernière assertion était le résultat des
opinions de l' auteur.
Il y a plus; d' après les expressions de
Dominicy, on pourrait croire que c' est dans la traduction même qu'
on trouve la preuve qu' elle datait alors de six cents ans: Auctor
qui... a sexcentis annis ex veteri
latino auctore
in rusticam romanam linguam
transtulisse metrico sermone testatur.
Je ne ferai pas à ce sujet
d' autres observations, parce que l' inspection du manuscrit d' où
ces fragments ont été tirés, me serait nécessaire pour arrêter
une détermination; car je suis persuadé qu' en général les vers
de ces fragments ont été mal copiés. Il est permis de présumer
que Dominicy, ne les citant que comme preuves de faits historiques,
n' aura mis ni beaucoup de soin ni beaucoup d' importance à
reproduire le texte avec une rigoureuse exactitude; on en sera
presque convaincu, quand
on saura qu' il s' excuse d' employer un
tel langage dans la haute discussion qui l' occupe. “Je ne rougirai
pas, dit-il, de produire le langage usuel et antique de ces pays,
quoique barbare, puisqu' il me fournit une si noble preuve.” (1: “Nec pudebit usualem et antiquam harum regionum sermonem, licet
barbarum, proferre, dum tam nobile suppeditat argumentum.” De
Prærog. Allod., P. 55.)
Grammaires Romanes.
Les
fragments en vers tirés de la vie de cet illustre évêque de Rodez,
sont le dernier des monuments de la langue romane que j' ai cru
convenable de faire connaître (2: J' ai regretté de ne pouvoir
insérer une pièce que je crois appartenir au commencement de l'
époque des troubadours.
C' est la Cantinella de La Santa Maria
Magdalena, qu' on chantait autrefois à Marseille, et qui commence
ainsi:
Allegron si los peccador
Lauzan sancta Maria
Magdalena
devotament.
Ella conoc lo sieu error,
Lo mal que fach avia,
Et
ac del fuec d' enfer paor
Et mes si en la via;
Per que venguet
a salvament.
Allegron si, etc.
Réjouissent soi les
pécheurs
En louant sainte Marie
Magdeleine dévotement.
Elle
connut la sienne erreur,
Le mal que fait avait,
Et eut du feu
d' enfer peur
Et mit soi en la voie;
C' est pourquoi vint à
salut.
Réjouissent soi, etc.
Ce cantique contenant vingt-trois
couplets, toujours terminés par le refrain allegron
si
etc., était chanté, toutes les années, au jour de la seconde fête
de pâques, dans la chapelle de sainte Magdeleine, où le chapitre de
la cathédrale se rendait en procession. L' illustre évêque de
Marseille, M. de Belzunce, supprima l' usage de chanter ces vers.
Ils
sont imprimés dans l' almanach historique de Marseille de 1773, mais
il m' a paru que le style en a été un peu retouché; comme je n' ai
pu me procurer le texte primitif, j' ai cru ne devoir pas insérer
cette pièce qui, par son ancienneté, aurait mérité un rang parmi
les monuments de la langue romane que j' ai rassemblés.)
et
dont la réunion forme une sorte d' introduction à la littérature
des troubadours; mais, avant d' expliquer les divers genres de leurs
ouvrages, il est indispensable de donner une idée des grammaires et
des dictionnaires qu' a possédés cette littérature, à une époque
où aucun monument des autres langues de l' Europe latine n' avait
encore mérité un rang dans l' estime publique.
Il existe deux
grammaires
romanes anciennes.
L' une est appelée Donatus
Provincialis,
Donat
Provençal,
dont on connaît trois manuscrits, l' un à la bibliothèque
Laurenziana à Florence (1: A la fin du manuscrit de la Laurenziana,
on lit: “Et hæc de rhythmis dicta sufficiant; non quod plures
adhuc nequeant inveniri, sed ad vitandum lectoris fastidium, finem
operi meo volo imponere; sciens procul dubio librum meum emulorum
vocibus lacerandum quorum esse proprium reprehendere quis ignorat?
Sed si quis invidorum in mei presentia hoc opus redarguere
præsumpserit, de scientiâ meâ tantum confido, quod ipsum convincam
coràm omnibus manifestè. Sciens quod nullus ante me tractatum ita
perfectè super his vel ad unguem ita singula declaravit: cujus Ugo
nominor qui librum composui precibus Jacobi de Mora
et domini Coradi Chuchii de Sterleto, ad dandam doctrinam vulgaris
provincialis
et ad discernendum verum a falso in dicto vulgare.”
Et
au commencement du manuscrit de la bibliothèque Ambroisienne D. n°
465, on lit: “Incipit liber quem composuit Hugo Faidit precibus
Jacobi de Mona
et domini Conradi de Sterleto ad dandam doctrinam vulgaris provincialis,
ad discernendum inter verum et falsum vulgare.”)
l'
autre à la bibliothèque Riccardi dans la même ville, et le
troisième à la bibliothèque Ambroisienne à Milan.
Cette
grammaire avait été citée par Bastero dans son dictionnaire
intitulé: La Crusca Provenzale.
(N. E. Es mucho más que un
diccionario.
La Crusca Provenzale - Antonio Bastero
Antonio Bastero, catalán. Cito sólo un lugar donde afirma que la
lengua
catalana era la misma que el provenzal.
“E
tanto più me se ne accese il desiderio, quanto che rifletteva, che
noi Catalani
non abbiamo alcuna Gramatica, o Dizionario di questa Lingua, spiegata
nel nostro Volgare;
ma in questa materia, vaglia il vero, confesso, che siamo stati
troppo trascurati, imperciocchè (quel che è peggio) nè pure
abbiamo alcuna sorte di libri, o Autori, che per via di regole
gramaticali, o altramenti ci 'nsegnino a ben parlare la nostra
propia, e naturale, se non se ' l Donatus
Provincialis,
o chiunque sotto tal nome, e titolo, alludendo a quel Donato,
ch' alla prim' arte degnò poner mano scrisse la breve, ed antica
Gramatica Provenzale,
o Catalana, ch' è tutt' uno,
che manoscritta si conserva nella Libreria Medicea Laurenziana, e in
Santa Maria del Fiore di Firenze, della quale fanno menzione, e si
vagliono della sua autorità i primi Letterati d' Italia (2))
La
bibliothèque Laurenziana possède aussi en manuscrit une traduction
latine du Donatus Provincialis; et un autre manuscrit de cette
traduction se trouve à Paris dans la bibliothèque du Roi, sous le
n° 7700.
L' autre grammaire, composée par Raymond
Vidal,
est l' exposé de quelques règles grammaticales; et l' auteur
indique par des exemples des plus célèbres troubadours, comment
elles ont été observées ou négligées. C' est sur-tout aux poëtes
qu' il s' adresse:
“Attendu que moi Raimond
Vidal
ai vu et connu que peu d' hommes savent et ont su la droite
manière de trouver,
je compose ce livre, pour faire connaître et savoir lesquels des
troubadours ont mieux trouvé et mieux enseigné, et pour l'
instruction de ceux qui voudront apprendre comment ils doivent suivre
la droite
manière de trouver.
(1: “Per so quar ieu
Raimonz
Vidals
ai vist et conegut qe pauc d' omes sabon ni an saubuda la dreicha
maniera
de trobar,
voill eu far aqest libre,
per far conoisser et saber quals dels trobadors
an mielz trobat
et mielz ensenhat, ad aqelz q' el volran aprenre, com devon segre la
dreicha
maniera de trobar.”)
L' un et l' autre ouvrage reconnaissent huit parties d' oraison;
ils indiquent la règle qui distingue les sujets et les régimes soit
au singulier, soit au pluriel. Dans le Donatus Provincialis sont
quelques parties des conjugaisons et une nomenclature considérable
de verbes indiqués comme appartenant à l' une de ces
conjugaisons.
Mais il y a beaucoup à desirer; les auteurs ne
parlent ni des prépositions, ni des degrés de comparaison, ni d'
aucune règle de syntaxe, etc. etc.
Ce qui rend le Donatus
Provincialis un monument très précieux et très utile, c' est qu'
il y est joint un dictionnaire de rimes pour la poésie romane; non
seulement il indique un très grand nombre de mots romans, mais
encore il présente, dans la plupart des rimes, différentes
inflexions des verbes, et toutes les terminaisons qui fournissent les
rimes sont distinguées en brèves, Estreit, et en longues, Larg.
De
telles circonstances, et plusieurs autres que je ne puis indiquer
ici, ne laissent aucun doute sur l' état de perfection et de fixité
auquel était parvenue la langue des troubadours, regardée alors
comme classique dans l' Europe latine. Et pourrait-on en être
surpris quand on voit, pendant les quatre siècles antérieurs, les
monuments de cette langue se succéder, sans offrir de variations
notables dans les formes grammaticales?
Manuscrits des pièces
des troubadours.
J' ai précédemment indiqué (1: Tome I,
page 440.) les divers manuscrits où se trouvent les poésies des
troubadours qui sont parvenues jusqu' à nous. Je me suis procuré
des Fac Simile qui représentent l' écriture de la plupart de ces
manuscrits; je me borne à joindre ici la note des renvois aux
planches gravées qui sont à la fin de ce volume.
Planche
I.
Cette planche offre deux écritures. L' une est celle du
manuscrit à la suite duquel a été copié le manuscrit du poëme
sur Boece, et l' autre est l' écriture des vers de ce poëme. J' ai
déja donné à l' égard de ce manuscrit des détails que je crois
suffisants. (2: Ci-dessus, page CXXXI).
Planche II.
I.
Manuscrit, grand format in-folio, de la bibliothèque du Roi, n°
2701, jadis de d' Urfé et ensuite de La Vallière; ce manuscrit
précieux offre la musique de beaucoup de pièces, et dans la plupart
de celles où l' air n' est pas noté, le vélin est réglé et
disposé pour recevoir les notes. Il est de 143 feuillets; il
contient 989 pièces; chaque pièce commence par une grande lettre
ornée de dessins ou ornements coloriés. L' écriture est sur deux
colonnes jusqu' au folio 108 inclusivement; depuis le folio 109, l'
écriture est tour-à-tour sur trois, quatre, cinq, six, et même
sept colonnes. Au verso du folio 135, col. 2, et au folio 136, on
trouve une écriture plus moderne, ainsi que dans une partie de la
colonne du folio 4. Dans les quatre premiers feuillets sont des
notices biographiques sur vingt-sept troubadours. Ce manuscrit est l'
un des plus complets; mais il y a beaucoup de fautes dans le
texte.
II. Manuscrit de la bibliothèque du Roi, n° 7225, format
in-folio; il est de 199 feuillets, et divisé en trois parties; dans
la première sont 651 pièces amoureuses, de 86 troubadours; dans la
seconde 52 tensons; la troisième partie contient 159 sirventes, de
46 troubadours. Dix-huit des sirventes de Bertrand de Born sont
suivis chacun d' une explication en prose. La première pièce de
chaque troubadour commence par une grande lettre dans laquelle il est
représenté en miniature coloriée sur un fond d' or; et ses poésies
sont précédées d' une notice biographique écrite en encre rouge.
On lit que l' une de ces notices, celle de Bernard de Ventadour, a
été composée par Hugues de Saint-Cyr, troubadour lui-même. (1:
Cette notice biographique est ainsi terminée: “Et ieu 'N Ucs de
saint Circ de lui so qu' ieu ai escrit si me contet lo vescoms N
Ebles de Ventedorn que fo fils de la vescomtessa qu' En Bernartz
amet.”
MS. R. 7225, fol. 26, v°.)
III. Manuscrit de la
bibliothèque du Roi, n° 7226, format in-folio, de 396 feuillets,
ayant deux tables, l' une où les pièces sont indiquées sous le nom
de leurs auteurs, et l' autre où elles le sont par lettres
alphabétiques; il contient des poésies de 155 troubadours, et
plusieurs pièces sans nom d' auteur. Ce manuscrit dont les derniers
feuillets manquent, est le meilleur de ceux qui sont parvenus jusqu'
à nous. Malheureusement il a été lacéré en beaucoup d' endroits,
pour prendre les miniatures dessinées en couleur sur un grand nombre
des lettres initiales de la première pièce de chaque troubadour; le
premier feuillet est presque entièrement coupé.
C' est le
manuscrit dont l' orthographe a été ordinairement préférée.
IV.
Manuscrit de la bibliothèque du Roi, n° 7698, de 232 pages, format
grand in-4°. Il n' a point de table; jusqu' à la page 188
inclusivement, il contient 362 pièces de 50 troubadours. De la page
189 à la page 210 inclusivement, sont des notices biographiques sur
22 troubadours; de la page 211 jusqu' à la fin, il contient 33
tensons et 13 pièces sans nom d' auteur; il est terminé par deux
pièces d' un troubadour connu.
Ce manuscrit, comme le précédent,
a été mutilé pour en prendre des vignettes qui n' offraient que
des ornements très-ordinaires, à en juger par celles qui
restent.
V. MS. de la bibliothèque du Vatican, n° 3205. M. de
Sainte-Palaye a jugé que ce MS. était une copie du MS. n° 3794 du
Vatican; il contient de plus quelques traductions en italien.
On
lit sur le premier feuillet de ce manuscrit FUL. URS., c' est-à-dire
Fulvio Orsini, à qui il a sans doute appartenu.
Planche
III.
I. Ce manuscrit coté n° 3794 est de format in-4°, de
268 feuillets.
Jusqu' au folio 206 inclusivement, il contient des
pièces amoureuses, de 51 troubadours; du folio 207 au folio 247,
sont 83 sirventes, suivis de 5 descorts et de 27 tensons qui
terminent le manuscrit.
Ce manuscrit très bien conservé a peu de
vignettes; on y voit quelques notes marginales en italien.
II.
Manuscrit de la bibliothèque du Roi, ancien n° 3204, format
in-folio, de 185 feuillets.
Ce manuscrit paraît être une copie
du n° 7225 de la même bibliothèque; les vignettes sont plus
grandes, et le dessin n' en est point pareil.
Il est moins complet
que le n° 7225. Celui-ci contient, aux folios 149 v° et 150, une
pièce du roi d' Aragon, avec la réponse de Pierre Salvaire, ainsi
que des couplets du comte de Foix qui ne sont pas dans l' autre
manuscrit; il en est de même d' une tenson licencieuse entre le
seigneur Montan et une Dame; cette tenson se trouve au folio 163 du
n° 7225.
L' écriture de ces pièces est identiquement la même
que celle des autres poésies du manuscrit, circonstance qui doit le
faire regarder comme l' original du manuscrit 3204; ce dernier est
terminé par deux pièces sans nom d' auteur, qui ne sont pas dans le
n° 7225; mais elles ont été ajoutées très postérieurement, et
l' écriture en est moderne.
Ce manuscrit, ancien n° 3204,
contient plusieurs notes marginales de Pétrarque et du Cardinal
Bembo, comme l' atteste le passage suivant, en écriture moderne, qu'
on lit au verso du feuillet en papier qui précède la table: “Poesie
di cento venti poeti provenzali tocco nelle margini di mano del
Petrarca et del Bembo.” Et à la suite de cette note est écrit de
la même main FUL. URS., ce qui permet de présumer que la note est
de Fulvio Orsino (Orsini), à qui ce manuscrit a sans doute
appartenu.
III. Manuscrit de la bibliothèque du Roi, n° 1091
supplément, jadis de Caumont; format in-8°, de 280 feuillets.
Les
68 premiers feuillets contiennent une partie du roman de Merlin en
français. Au verso du feuillet 68, commencent les pièces en langue
romane.
Au feuillet 89, le texte est d' une écriture plus
ancienne et plus belle jusqu' au feuillet 111, après lequel l'
écriture est à-peu-près la même qu' au commencement du texte qui
est difficile à lire et très-souvent fautif.
Ce manuscrit n' a
point de table.
IV. Manuscrit de la bibliothèque du Roi, n°
7614, format in-4°, de 119 feuillets, très bien conservé, sans
vignettes; on y trouve des notices biographiques, en tête des pièces
de chaque troubadour: ces notices sont en encre rouge.
Il contient
187 pièces amoureuses, de 34 troubadours, et 18 sirventes. La table
indique 21 tensons qui ne sont pas dans le manuscrit, et qui en ont
sans doute été arrachées avant la reliure, qui est très
moderne.
V. Ce manuscrit était autrefois dans la bibliothèque
de M. Mac-Carty à Toulouse. Il est de format in-4°, composé de
plusieurs cahiers réunis, et dont l' écriture n' est pas la même.
On trouve quelquefois aux marges des figures coloriées qui ont
rapport aux passages à côté desquels elles sont placées.
Le
texte, quoique souvent fautif, fournit des variantes très utiles.
(1: Il a été acquis en 1816 par M. Richard Heber de Londres,
lors de la vente de la bibliothèque Mac-Carty. M. Heber m' a permis
de le garder pendant tout le temps nécessaire pour y prendre les
variantes et les pièces qui pouvaient m' être utiles.)
VI.
Manuscrit cod. 43, plut. XLI de la bibliothèque Laurenziana à
Florence, de 142 feuillets, format petit in-4°, avec les initiales
coloriées et les titres en rouge. Il est de l' ancien fonds de la
bibliothèque Médicis.
Planche IV.
I. Manuscrit qui se
trouve à Londres dans la bibliothèque de sir Francis Douce. (2: Je
n' avais vu de ce manuscrit que deux copies modernes, lorsque j' ai
appris que l' original était dans la bibliothèque de sir Francis
Douce. Il a bien voulu me le faire passer en France, et je l' ai
gardé pendant quelques mois.)
Il est de format in-8°. Ce
manuscrit avait appartenu à Peiresc; il contient 126 feuillets.
II.
Manuscrit du Vatican 3206. C' est le plus ancien manuscrit des
troubadours qui se trouve à Rome. Il est en très petit
format.
III. Manuscrit du Vatican 3207; il est de 134
feuillets, format in-4°.
Il contient des notices biographiques
sur plusieurs troubadours, écrites en encre rouge.
IV.
Manuscrit du Vatican n° 3208, de 96 pages, format in-folio. Une note
placée au haut de la première page apprend qu' il a appartenu à
Fulvio Orsino.
V. Manuscrit du Vatican n° 5232, format grand
in-folio (1: On croit que le manuscrit de la Saïbante à Vérone,
coté n° 410, est une copie de ce manuscrit, en tête duquel on lit
le procès-verbal qui suit:
“Il libro de' poeti provenzali del
sige
Aldo era tanto celebrato da lui et dal sige
cavalier Salviati, che il sige
Aluise Mocenigo si mosse a volerlo vedere, et conferire col suo, che
hora si trova in potere del sige
Fulvio Orsino. Et si trovo molto inferiore al suo, et di diligenza et
di copia di poesie; di poeti non mi ricordo, ma di poesie certo.
Nella corretione non v' era comparazione, per quel poco di prova che
se ne fece in alcuni versi, et nelle vite de' poeti scritte con
rosso, le quali parevano abbreviate in alcuni luoghi. Il volume ben e
piu grosso, per essere scritto di lettera tondotta piu tosto italiana
che francese
o provenzale.
Et hæc acta sunt presente me notario specialiter rogato del sige
Mocenigo, nel portico da basso d' esso sige
Aldo, essendovi anco alcuni Bolognesi hospiti, venuti alla scensa.”).
Les lettres initiales des pièces offrent des miniatures représentant
des troubadours. Il contient des notices biographiques.
VI.
Manuscrit n° 42, plut. XLI de la bibliothèque Laurenziana à
Florence, de 92 feuillets, à deux colonnes, format in-4°, très
bien conservé, avec les titres et les initiales en rouge. Il vient
de l' ancien fonds de la bibliothèque de Médicis.
VII.
Manuscrit n° 26 de la bibliothèque Laurenziana, format in-4°, de
90 feuillets, belle écriture et belle conservation. Il avait d'
abord appartenu à Benedetto Varchi, et ensuite à Carolo Strozzi.
Après
avoir indiqué les monuments qui nous restent de la littérature
romane, et les divers manuscrits des poésies des troubadours que j'
ai consultés, je regarde comme un devoir d' exprimer ma
reconnaissance envers les personnes qui ont secondé mes recherches
et mes travaux.
Je dois au zèle bienveillant de M. Le comte
de Blacas, ambassadeur de France à Rome, une copie de toutes les
pièces des manuscrits du Vatican dont j' ai eu besoin, les
fac-simile de l' écriture de ces manuscrits, et plusieurs
renseignements que m' a procurés une correspondance suivie, qu' il a
bien voulu entretenir avec moi. Ce n' est pas seulement comme
héritier d' un nom honorablement célèbre dans l' histoire des
troubadours, que M. Le comte de Blacas m' a accordé le vif intérêt
dont j' ai obtenu des témoignages réitérés; ses connaissances philologiques, son goût éclairé, eussent suffi pour exciter cet
intérêt en faveur d' une collection qu' il regarde comme un
monument de la littérature nationale. C' est avec une vraie
satisfaction que je consigne l' hommage de ma reconnaissance dans l'
ouvrage même qui devra à ses bons offices une partie du succès qu'
il pourra obtenir.
M. Amati, bibliothécaire du Vatican, a mis
autant d' activité que d' intelligence à faire la copie des poésies
des troubadours qui m' était destinée, et à la conférer avec les
divers manuscrits de la célèbre bibliothèque confiée à ses
soins.
J' ai à remercier pareillement M. François del Furia,
bibliothécaire de la Laurenziana à Florence.
Précédemment j'
ai eu occasion de dire combien je suis redevable à M. Septier,
bibliothécaire à Orléans, et à M. Favre-Bertrand de Genève.
M.
Fauris de Saint-Vincent m' a fourni toutes les pièces et toutes les
notices qu' il a trouvées dans le précieux cabinet qu' il possède
à Aix.
MM. Dacier, Langlès, et Gail, conservateurs des
manuscrits de la bibliothèque du Roi, ont mis la plus grande
obligeance à me communiquer les manuscrits et les renseignements qui
pouvaient m' être utiles; la bienveillance accoutumée avec laquelle
ils accueillent tous les gens de lettres a été pour moi plus
particulière; elle est devenue un nouveau gage de leur estime et de
leur amitié.
M. Méon, employé aux manuscrits du moyen âge, m'
a donné plusieurs preuves de son zèle pour notre ancienne
littérature, et de l' intérêt qu' il prend au succès de cette
collection.
J' ai regretté que la distance des lieux ne m' ait
permis que de traiter par correspondance divers points avec M. de
Rochegude, ancien contre-amiral, résidant à Albi. Il publiera
bientôt un recueil intitulé:
Le Parnasse Occitanien.
De tous
les étrangers avec lesquels j' ai parlé de la littérature romane,
M. A. W. de Schlegel est celui qui m' a paru l' avoir étudiée avec
le plus de succès. Il a entrepris un essai historique sur la
formation de la langue française; je ne doute pas qu' on n' y trouve
et beaucoup d' érudition et beaucoup d' esprit.
Je remercie M.
Firmin Didot du zèle actif et persévérant qu' il met à diriger l'
impression de cette collection; grammairien exercé, littérateur
distingué, il a réussi bientôt à connaître la langue romane.
M.
Fauriel,
qui prépare un ouvrage sur la littérature provençale,
m' a communiqué quelques-unes de ses propres recherches; j' ai eu
par-fois à examiner avec lui des difficultés, et j' ai été
toujours rassuré, quand mes opinions ont été d' accord avec les
siennes: je l' invite à terminer et à publier cet ouvrage dont j'
ose prédire l' utilité et le succès.
Enfin je nomme, avec
amitié et reconnaissance, M. Pellissier, qui, depuis cinq ans, étant
occupé auprès de moi à travailler sur la langue romane et sur les
poésies des troubadours, est facilement parvenu à entendre la
langue, à juger les auteurs, à déchiffrer et à conférer les
manuscrits: il sera désormais pour moi un zélé, un savant
collaborateur.
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